Qui n’a jamais eu l’impression de rester prisonnier d’une émotion pendant des heures, voire des jours ? Une colère qui revient en boucle, une tristesse persistante, une peur qui ne lâche pas… Pourtant, selon les neurosciences, une émotion ne durerait que quelques secondes. Alors pourquoi certaines nous paraissent si envahissantes ? Est-ce notre esprit qui les prolonge, ou nos blessures du passé qui les ravivent ?
Dans cet article, découvrez combien de temps dure une émotion, pourquoi elle semble parfois s’éterniser et comment mieux l’accueillir pour ne plus les subir.
Qu’est-ce qu’une émotion ?
Avant de parler de durée, encore faut-il bien comprendre ce qu’est une émotion. Contrairement à une humeur (état émotionnel diffus et plus long) ou à un sentiment (représentation mentale plus construite), une émotion est une réaction brève, intense et spontanée face à un stimulus.
Elle a une fonction biologique et adaptative.
Par exemple :
- La peur nous prépare à fuir un danger,
- La colère nous pousse à poser une limite,
- La tristesse nous invite au repli et à la réflexion.
Une émotion se décompose généralement en plusieurs phases :
- Déclenchement : un événement interne ou externe l’active (pensée, souvenir, interaction…),
- Pic émotionnel : montée rapide de l’intensité (quelques secondes à quelques minutes),
- Décroissance : retour progressif à l’état initial.
Mais alors, combien de temps dure cette « montée » et cette « redescente » ?
Ce que dit la science : la règle des 90 secondes
La neurologue américaine Jill Bolte Taylor a popularisé une idée frappante : une émotion, au niveau purement biologique, ne dure que 90 secondes.
« Une émotion, ce sont des substances chimiques libérées dans le corps. Si vous laissez ce processus suivre son cours sans l’alimenter mentalement, elle disparaît en 90 secondes. »
Autrement dit, si vous ressentez une peur, une tristesse ou une colère, votre corps va libérer les hormones et neurotransmetteurs nécessaires (adrénaline, cortisol, etc.), et ces substances seront métabolisées en environ une minute et demie. Ensuite, si l’émotion persiste, c’est parce que votre esprit continue de la raviver.
Exemple : vous êtes en colère parce qu’un collègue vous a mal parlé. Si vous laissez passer cette émotion sans y penser, elle s’efface. Mais si vous ruminez, vous l’alimentez et elle se prolonge.
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Comment naissent les émotions ?
Notre cerveau, bien plus qu’une simple machine biologique, est un orchestre où chaque note émise se traduit par une émotion ressentie. Mais comment ces émotions prennent-elles naissance ?
Le processus commence dans l’amygdale, une petite structure située au cœur du cerveau. L’amygdale évalue les événements environnants et déclenche des réactions immédiates.
Par exemple, si une voiture klaxonne soudainement, c’est cette partie du cerveau qui active la peur ou la surprise. La complexité émotionnelle s’approfondit lorsque l’hippocampe entre en jeu, liant les émotions aux souvenirs. Ainsi, une colère ressentie lors d’une dispute peut être exacerbée par des souvenirs d’anciens conflits, influençant la durée et l’intensité de la réaction.
Au-delà de la psychologie, notre corps réagit aussi. Quand vous ressentez de la joie, des neurotransmetteurs tels que la dopamine inondent votre système, vous procurant un sentiment de bien-être.
En revanche, face à la tristesse, les niveaux de sérotonine peuvent diminuer, prolongeant cet état émotionnel. En comprenant comment nos réactions sont modulées, nous pouvons mieux gérer nos émotions, favorisant ainsi une santé mentale équilibrée.
Pourquoi certaines émotions semblent durer plus longtemps ?
Si une émotion pure est brève, pourquoi avons-nous parfois l’impression qu’elle dure des heures, voire des jours ?
La rumination mentale
Lorsque nous pensons sans arrêt à ce qui s’est passé, que nous imaginons des scénarios, que nous ressassons une blessure ou une injustice, nous réactivons sans cesse l’émotion initiale.
L’identification à l’émotion
Dire « je suis en colère » revient à s’identifier à l’émotion, plutôt que de dire « je ressens de la colère ». Dans le premier cas, on s’enferme dans l’émotion ; dans le second, on l’observe avec plus de recul.
Les blessures non résolues
Certaines émotions prennent racine dans le passé : abandon, rejet, humiliation, injustice… Quand un événement actuel ravive une vieille blessure, l’intensité émotionnelle est amplifiée.
Les croyances profondes
Des pensées comme « je ne suis pas assez bien » ou « je dérange les autres » peuvent entretenir des émotions douloureuses de façon chronique.
Comment raccourcir ou réguler une émotion ?
Même si une émotion peut sembler difficile à gérer, nous avons des leviers pour l’accueillir, la comprendre et la faire redescendre plus vite.
L’accueillir sans fuir
Ne pas lutter contre l’émotion, mais la reconnaître et l’observer sans jugement. Exemple : « Je ressens de la tristesse, c’est OK. Elle a un message à me transmettre. »
Se recentrer sur le corps
Revenir aux sensations physiques permet de sortir de la tête :
- Respirer profondément (cohérence cardiaque),
- Se concentrer sur la température, la tension, les battements du cœur,
- Bouger ou s’ancrer dans le sol.
Utiliser des techniques de régulation
- Pleine conscience (observer sans analyser),
- Exercices de respiration
- Thérapies brèves : TCC, ACT, EFT, EMDR,
- Écriture émotionnelle (mettre des mots sur ce qu’on ressent).
Identifier la pensée associée
Une émotion prolongée repose souvent sur une pensée automatique ou une croyance limitante. Nommer cette pensée permet de la remettre en question.
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Comment avoir une meilleure hygiène émotionnelle ?
Comme nous prenons soin de notre corps, nous pouvons apprendre à prendre soin de nos émotions :
- Créer des moments de pause et de recentrage,
- Apprendre à nommer et exprimer ce que l’on ressent,
- Cultiver l’auto-empathie,
- Se déculpabiliser d’éprouver des émotions intenses.
Une émotion n’est ni bonne ni mauvaise. Elle est un signal, un message, qui disparaît quand elle a été entendue.
Une émotion, dans sa forme brute, ne dure qu’environ 90 secondes. C’est notre mental, nos croyances ou nos blessures non résolues qui prolongent son effet dans le temps. Apprendre à reconnaître et à accueillir nos émotions sans les alimenter peut profondément transformer notre rapport à nous-mêmes.